Hugues Reip

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Interview

about the exhibition CQFD at La Maison Populaire in Montreuil
Claire Le Restif
Paris, October 1st, 2002

Claire Le Restif
Quelle est votre entreprise artistique ?

Hugues Reip
Chevaucher la lumière.


CLR
Lorsque vous avez crée la vidéo "Overdrive" pour CQFD, accompagnée de la B.O de "Forbidden Planet" (1956) le film de science-fiction de Fred Mc Leod Wilcox, quelle était votre projet?

HR
Pour ce dessin animé, je cherchais une musique qui soit éthérée, où les sons résonnent comme des gouttes, rythmant de petites explosions visuelles. Comme je suis un admirateur de la musique de Louis et Bebe Barron (créateurs de la B.O. de Forbidden planète), j'ai fait cet emprunt assez naturellement. Ce choix a été renforcé par une équation supplémentaire : le titre de mon film est tiré de "Interstellar Overdrive", une chanson de Syd Barrett... Il existe donc un lien avec une certaine idée de la science-fiction.


CLR
L'extrait choisi, m'avez-vous précisé, accompagne le moment où dans Forbidden Planet, Robby le robot offre des fleurs à la princesse. Peut-on y voir une récurrence de votre affection pour les robots (en référence aux Robots immeubles, 1998) ou pour les princesses?

HR
C'est à nouveau l'équation de la belle et la bête...Il y aussi l'ouvrière et son double, le robot tyrannique dans le film de Fritz Lang, Metropolis (1926). Mais, il est vrai que le robot avec des fleurs et la princesse avec de l'huile de vidange, ne me laissent pas insensible.


CLR
Pourquoi et comment avez-vous fait le choix de diffuser le son de votre vidéo dans la totalité de l'espace d'exposition, diffracté des images? Vous avez donné ainsi "une ambiance sonore" à CQFD. Que produisait pour vous le contact de votre proposition à la "Ligne de lumières (sensible) de Véronique Joumard et "Petite galerie de glaces" de Simone Decker?

HR
En fait, cela s'est construit de manière un peu empirique en discutant avec Véronique Joumard. Son installation lumineuse réagit aux sons générés dans l'espace d'exposition. Plutôt que d'essayer de masquer le son de ma vidéo nous avons décider de l'amplifier et qu'il participe pleinement à faire réagir sa "Ligne de Lumières". Il y a même des visiteurs qui m'ont dit que la musique de l'installation de Véronique fonctionnait bien avec mon film... alors, là... Quand à L'installation de Simone Decker, les miroirs qui la compose diffractaient les éclats lumineux des spots de Véronique Joumard... et voilà, la boucle était bouclée.


CLR
Quelle est la nature de votre intérêt pour la science fiction ou la fiction tout court?

HR
Ou la science tout court ? En réalité, je suis un lecteur de science-fiction depuis longtemps, mais j'ai certains auteurs de prédilection. Je pense notamment à Philip K. Dick, Philip José Farmer, Norman Spinrad, Harry Harrison... Dans l'oeuvre de ces écrivains, il n'est finalement pas vraiment question de science-fiction mais plutôt de dérèglements sociaux, de critique politique, d'entropie, d'anarchie temporelle, de ce qu'il reste de la place de l'homme dans le "futur de tous les jours".


CLR
Je tisse un lien entre "Overdrive" (2002) présenté sur un écran de retroprojection, intégré aux huisseries de l'espace d'exposition et "Dessin animé" (1999) que nous avions eu ensemble l'occasion de montrer dans l'exposition "Showroom" en 1999 à La Ferme du Buisson. Un lien propre à votre intérêt pour le dessin et/ou la bande-dessinée, à la ligne, au graphisme d'une part et d'autre part, votre détermination à "faire bouger" au sens propre la peinture abstraite. Que pensez-vous de cette remarque?

HR
Il y a dans certains de mes films une relation au dessin car il en est l'origine... mais malgré leur apparence abstraite, ces animations conservent une dimension organique. Je crois que j'essaie de faire des films figuratifs en utilisant le langage de l'abstraction.C'est comme si certaines formes abstraites, une fois animées, devenaient d'improbables personnages. Je pense notamment à Oskar Fischinger qui disait: "« Descends à l’intérieur de ton œil, à l’intérieur de ton propre œil – et continue – »


CLR
Votre intérêt va vers quels écrivains, quels cinéastes, quels artistes?

HR
Norman Mc Laren, Oskar Fischinger, Len Lye, Harry Smith, tous des grands artistes du film expérimental. Et dans d'autres domaines: Gordon Matta-Clark, Buster Keaton, Sam Peckinpah, Chuck Jones, Paul Teck, Mel Ramos, King-Kong, Albert Hofmann, Blake Edwards, jack Kirby, Chris Knox, Hubert Selby Jr, Charles Ray,...euh...


CLR
Votre intérêt pour l'architecture est connu. A Montreuil vous avez fait le choix de réaliser une vidéo qui s'intégrait précisément à un contexte architectural : les huisseries d'une baie vitrée. De plus, votre proposition était double : nous pouvions la regarder de l'intérieur ou/et de l'extérieur. Le son était absent de la version extérieure. Pourquoi cette double facette d'un même geste?

HR
La baie vitrée fonctionnait comme un aquarium. De l'extérieur on n'entend pas le bruit des poissons.


CLR
Comment envisage-t-on, depuis son écran d'ordinateur, cette projection dans l'espace?

HR
J'ai la projection idéale en tête et parfois il y a des bonnes surprises!


CLR
Jean-Marc Huitorel* avait écrit pour qualifier votre oeuvre, "qu'elle était aussi rétractile qu'extensible". Est-ce le cas encore aujourd'hui?

HR
Il est vrai que mon travail a une certaine élasticité.. Je fais des choses très différentes, je tente donc de trouver la situation idéale de présentation. Ceci implique parfois une retenue ou au contraire un développement spatial plus important.


CLR
Vos vidéos "Burning down the house" (1996) et "X-Man Rodeo" (2000) peuvent-être perçues comme deux jeux portant atteinte à deux constructions, l'une modeste, en carton, bâtie par vos soins et que vous choisissez de brûler, l'autre située dans la réalité d'un lieu où vous choisissez de creuser des trous dans les murs?

HR
Mes premières oeuvres entretenaient un lien métaphorique avec l'architecture. J'en utilisai les codes. En fait "Burning Down The House" est pour moi comme un dessin animé.. le feu est l'élément séquentiel qui anime la destruction des immeubles en carton. De même, dans "X-Man Rodeo" nous sommes au volant d'un insecte sans radar qui perfore les murs de façon chaotique.. ces murs de bétons ne sont visiblement pas plus résistants que du carton. C'est probablement mon vieux fantasme de traverser la matière qui me joue des tours.


CLR
La course poursuite de "X-Man rodéo" est-elle une allusion à un jeu vidéo du pauvre?

HR
Non.


CLR
Alors à quoi? Quelle est la signification du titre?

HR
Les rayons X sont connus pour leur pouvoir de pénétration... et comme je le disait précédemment, il s'agit de chevaucher la lumière. D'où le rodéo.


CLR
Etes-vous toujours attaché à une forme de génie du hasard?

HR
Hasard parfois...quant au génie, Bruce Lee répondait à la question:
-"Est-ce que vous vous considérez comme un génie du kung-fu ?"
-"Si je vous réponds oui, je suis prétentieux.. si je vous réponds non, je suis menteur."


CLR
Vous êtes musicien. Quelles sont les relations de vos deux pratiques artistiques entre elles?

HR
Multiples et variées. Je dissocie ou pas du tout... Ce doit être l'effet "split-brain"...quand les deux hémisphères du cerveau fonctionnent de manière autonome, ne communiquant entre eux qu'épisodiquement.


CLR
Acceptez-vous que l'on puisse voir en vous un artiste pop dans le sens où par exemple, vous n'hésitez pas à mettre en scène, par le biais d'éclairages dévolus au spectacle (concert, piste de cirque) une pièce comme "Stick cutter" (1997)?

HR
Non, dans le sens ou "Stick Cutter" n'est pas la relecture d'une forme de culture populaire, quoique, peut-être...un peu dans la mise en scène acidulée qui accompagne cette pièce.


CLR
Pour finir, quelles sont vos recherches actuelles, quels sont vos projets?

HR
Une exposition personnelle à la Galerie du Jour/agnès b (04 octobre/09 novembre 2002), un deuxième CD de SPLITt (octobre 2002), la publication du livre "Toon", Editions Villa St Clair (octobre 2002), une participation à l'exposition "Vidéo topiques", Musée d'Art moderne et Contemporain de Strasbourg (18 octobre/02 février 2002). Un exposition Melanie Counsell/Hugues Reip, Centre régional d'Art Contemporain, Sète. (avril 2003)


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